« Nous ne louerons pas la chambre 3. »
Aurore le lui avait pourtant promis, le jour où elle lui avait annoncé sa volonté de transformer la demeure en hôtel.
Mathilde s’activait. Le temps d’un repas pour rendre la pièce accueillante, en chasser la poussière et l’odeur de renfermé. À la lueur d’un chandelier, elle changea les draps, pestant intérieurement. Ce n’était pas là une manière de travailler ! Elle qui avait toujours été si méticuleuse, elle s’offusquait de ce travail précipité, sans doute bâclé, qu’on lui intimait d’effectuer dans la pénombre. Les lubies d’Aurore l’exaspéraient, et arrivaient encore à la surprendre après toutes ces années. Accepter une cliente à une telle heure, qui plus est dans un hôtel complet !
Elle hésita avant d’entrer dans la salle de bains adjacente. Une appréhension la retenait. La porte craqua en s’ouvrant. À l’intérieur, cette même odeur de vie qui s’arrête, de lieu qui ne vit pas. D’un espace-temps figé. Elle terminait de frotter la baignoire lorsqu’un bruit au dessus d’elle l’interrompit. Des pas, dans la pièce du dessus. Son malaise s’intensifia. Des pas, encore. Le plancher qui gémissait. Des pas, juste au dessus. Elle sentit ses entrailles se nouer.
« Nous ne louerons pas la chambre 3. »
Se taire. Ne pas évoquer le deuxième étage. Les questions, pourtant, la secouaient. Pourquoi rouvrir cette chambre, pourquoi ce soir ? Pourquoi accepter cette cliente, et pas les autres ?
Mathilde se remit en mouvements, faisant s’agiter son trousseau de clefs. Des pots-pourris dans les tiroirs, un parfum d’ambiance, des savons colorés, une bonbonnière remplie de guimauves, des draps frais, un oreiller moelleux, et l’envie de vomir qui ne la quittait pas. Une idée qui la rendait malade. Qui la hantait jour et nuit. Qui la rendrait folle si elle ne la tuait pas avant.
La chambre 3, extrait d’Arlena ©, roman de Sebastian Regert.