Un état second

« Trempée, sa robe plaquée sur sa peau ainsi qu’une mue collante, Alice regagna le village dans un état second, laissant sur plusieurs mètres un souvenir d’océan derrière elle. Le ciel, d’un gris aveuglant, la contraignait à baisser la tête. Elle marchait d’un pas lent, sentait toute la chaleur émanant du sol envelopper ses jambes et se resserrer autour d’elles pour mieux l’immobiliser. Une chaleur de pierre infernale l’enserrait, lui écrasait les épaules, voulait pénétrer en elle et l’enfoncer sous terre. Aussi se rapprocha-t-elle de rares ombres tièdes. Il lui fallait de la fraîcheur, absolument. La route lui semblait interminable, les ruelles désertes s’étirer toujours plus. L’odeur de pourriture s’était accentuée, lui retournait l’estomac. Elle était persuadée que vomir lui aurait été fatal. Elle écarquilla les yeux, observant le vide alentour. Soudain, la demeure des Levasseur se dessina au loin. Alice tenta d’accélérer son pas, regagnant cette maison ainsi qu’un abri.

Sous la marquise, le parfum des glycines fut si violent qu’elle recula. Elle le ressentit à la manière d’un message qui lui était adressé : « Va-t’en ». Elle tenta néanmoins d’introduire la clef dans la serrure, en vain. Ses mouvements étaient désordonnés, elle tremblait, sa vue se brouillait, la sueur lui coulait le long des tempes et dans le dos, ses vêtements étaient glacés, elle frissonnait et ressentait des flammes sur sa peau, ne pouvait plus tolérer l’odeur entêtante des glycines, la chaleur qui l’étouffait. À bout de force, Alice appuya son front sur la porte d’entrée.

 

-Va-t-en !

 

Elle recula et quelque chose changea en elle. La porte se mit à danser, les glycines l’imitèrent en gloussant, et tout s’évanouit dans une nuit soudaine. »

 

Un état second,extrait d’Arlena ©, roman de Sebastian Regert.

Laisser un commentaire